[BOUQUINS] Shelley Parker-Chan – Celle Qui Devint Le Soleil

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Titre : Celle Qui Devient Le Soleil
Auteur : Shelley Parker-Chan
Éditeur : Bragelonne
Parution : 2022
Origine : Australie (2021)
405 pages

De quoi ça cause ?

1345. La Chine est sous domination de la dynastie mongole Yuan. Dans les plaines la sécheresse et la famine écrasent les paysans.

Quand un devin prophétise une grande destinée au huitième fils de la famille, les Zhu reprennent confiance en l’avenir. Pour la seconde fille, sans surprise, sa destinée se résume à rien. Un jour le village est attaqué par des bandits qui tuent le père, le fils promis à un brillant avenir se laisse mourir sur la tombe paternelle. Pas question pour la fille de se résigner à n’être rien. Elle endosse l’identité de son frère et se rend au monastère afin d’y être formée… un premier pas vers la destinée promise à son frère.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

C’est avant tout la curiosité qui m’a poussé vers ce roman. Si la fantasy sur fond historique n’est pas une nouveauté en soi, le cadre (la Chine du XIIIe siècle) apportait une touche d’exotisme qui a fini de me convaincre de me laisser tenter.

Ma Chronique

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je souhaiterai prévenir les amateurs « puristes » de fantasy que ce roman risque de ne pas répondre à leurs attentes. Vous ne croiserez ni bestiole fantastique, ni magie entre ces pages. On est davantage dans le registre de l’uchronie (revisite de l’Histoire) avec un léger fond de mythologie chinoise.

Il n’en reste pas moins que le pari de Shelley Parker-Chan est aussi ambitieux qu’audacieux.

Ambitieux parce que l’auteure prend pour cadre une période charnière de l’Histoire de la Chine. Sous le joug de la dynastie Yuan depuis 1279, le pays est dirigé d’une main de fer par un empereur mongol. Mais en cette seconde partie du XIIIe siècle la révolte enfle, un sentiment de colère attisé par la sécheresse et la famine qui frappent le pays. De plus en plus de Chinois se prennent à espérer le retour au pouvoir d’un empereur autochtone (ce sera le cas en 1368 avec l’avènement de la dynastie Ming).

Audacieux parce que Shelley Parker-Chan, australienne d’origine asiatique et militante active pour la reconnaissance des droits LGBT – notamment en Asie du Sud-Est –, confie son intrigue à des personnages inattendus (quitte à revisiter l’Histoire). À commencer par Zhu, jeune paysanne promise au néant qui va refuser son destin et profiter d’une opportunité pour essayer d’imposer sa propre destinée. En se substituant à son frère décédé, elle va pouvoir bénéficier des enseignements d’un monastère, une première étape vers ses rêves de grandeur.

Du côté mongol le pari est encore plus osé puisque le rôle principal revient au général Ouyang, un combattant impitoyable et fin stratège. Mais aussi un eunuque, châtré sur ordre du père de son actuel seigneur après que sa famille a été assassinée. Un homme rongé par une inextinguible soif de vengeance malgré l’admiration (et plus si affinités ?) qu’il voue à son seigneur.

Même chez les personnages secondaires, c’est une femme, Ma Xiuying, la fiancée d’un commandant rebelle, qui va tirer son épingle du jeu. Résignée à son rôle de femme, elle rêve de mieux… mais ce mieux lui est inaccessible du fait de sa condition féminine ; jusqu’à ce qu’elle rencontre Zhu.

Sous la plume de Shelley Parker-Chan, les hommes ne sont pas vraiment en odeur de sainteté. Seul Xu Da, ancien moine et ami de Zhu, devenu bandit va redorer le blason de la gent masculine. Là encore, ce sont les retrouvailles avec Zhu qui changeront sa destinée.

Petit coup de cœur personnel pour le personnage de Chang Yuchun, un jeune voleur aussi opportuniste que cynique, qui n’échappera pas, presque à l’insu de son plein gré, à l’influence de Zhu.

Pour son intrigue, l’auteure opte pour deux arcs narratifs, le premier va suivre le parcours de Zhu, le second celui du général Ouyang. Deux destinées amenées à se croiser même si parfois la rencontre sera explosive.

J’ai bien aimé les personnages qui sont décryptés par le détail (dans leurs actes mais aussi dans leur quête d’identité) sans complaisance ni manichéisme ; même si on comprend le chemin qu’ils suivent, ils n’emprunteront pas toujours la voie la plus noble pour arriver à leurs fins (c’est surtout vrai pour Zhu).

Il en va de même pour l’intrigue, au-delà du conflit sino-mongol, chaque camp doit composer avec des alliances, des trahisons, des complots et autres coups bas divers et variés. Un échiquier politique et stratégique en perpétuel mouvement, à chacun de poser ses pions au mieux afin de tirer profit de la situation.

On est loin de la densité et de la complexité du Trône de Fer, mais ça reste globalement bien pensé et addictif. Un petit (tout petit) bémol au niveau de la facilité avec laquelle Zhu trouve des solutions aux obstacles qui se dressent devant elle. C’est réglé en deux coup de cuillères à pot et quelques pages.

Le style de Shelley Parker-Chan offre un contraste bienvenu à la noirceur de certaines situations sans jamais sombrer du côté fleur bleue. Décidément ce bouquin fut une agréable surprise à tous points de vue ; rapidement happé par l’intrigue, j’ai eu bien du mal à le lâcher tant il me tardait de découvrir la suite des évènements.

Celle Qui Devint Le Soleil est le premier opus d’un diptyque, à la fin du roman les cartes sont rebattues et le lecteur est en droit de se poser bien des questions quant à la suite des événements… mais pour avoir des réponses, il nous faudra patienter (pas trop longtemps j’espère).

MON VERDICT

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