[BOUQUINS] Marcus Malte – Le Garçon

M. Malte - Le GarçonAu vu des nombreuses critiques élogieuses lues çà et là je me suis dit que je passais peut être à côté de quelque chose en évitant Le Garçon de Marcus Malte, lauréat du prix Fémina 2016. Du coup, sortant de ma zone de confort, je me suis lancé, confiant.
1908, sud-est de la France. A la mort de sa mère, le garçon quitte leur cabane coupée du monde et se lance vers l’inconnu, vers ses semblables, les humains. Le garçon espère ainsi pouvoir être accepté comme l’un des leurs, au fil des rencontres il va de découvertes en découvertes, parfois heureuses, parfois malheureuses…
Est-ce que ma voix se joindra à celles, déjà nombreuses, qui sont déjà acquise à la cause de ce garçon ? Sans la moindre hésitation la réponse est un OUI franc et massif. Ce n’est pas une perle, pas davantage un bijou mais plutôt une véritable corne d’abondance émotionnelle, une magnificence littéraire !
Ce livre est tout bonnement exceptionnel, par son histoire autant que par son écriture. Une histoire magnifique, parfois heureuse, parfois tragique (attendez vous à en prendre plein les mirettes passant du rire aux larmes) servie par une écriture et un style parfaitement maîtrisés (j’ai été littéralement transporté par les mots de l’auteur, de la première à la dernière phrase, bercé par leur sourde mélodie). Une histoire qui se déguste plus qu’elle ne se dévore, prenez le temps d’apprécier toute la richesse de ce texte, de vivre pleinement chacune des émotions qui fera vibrer votre coeur et votre âme. Je détourne volontiers le propos du philosophe américain Henry D. Thoreau qui clamait : « Je voulais vivre intensément et sucer la moelle secrète de la vie. » pour affirmer : « Je voulais lire intensément et sucer la moelle secrète de ce livre. » (n’y voyez aucun sous entendu grivois).
Une histoire portée par un garçon pas comme les autres, unique et universel à la fois : « Il n’a pas de nom. Il ne parle pas. Le garçon est un être quasi sauvage, né dans une contrée aride du sud de la France. Du monde, il ne connaît que sa mère et les alentours de leur cabane. » Comme notre garçon n’est pas un grand bavard il fallait bien quelqu’un pour nous raconter son histoire, et ce quelqu’un est justement le narrateur (on pourrait même dire le conteur) qui se place en spectateur-voyeur afin de mettre les mots les plus justes sur ce que vit, voit et ressent le garçon.
Le récit est divisé en cinq parties comme autant d’étapes majeures (et de rencontres) qui jalonneront la vie du garçon. Dans un paisible hameau provençal, le garçon côtoiera sa poignée d’habitants et fera de son mieux pour s’intégrer et se faire accepter comme l’un des leurs.
Quand il reprendra la route son périple lui fera croiser celle de Brabek, l’Ogre des Carpates, un lutteur de foire, qui deviendra un véritable ami. Un ami disert qui lui livrera une leçon de vie ô combien utile (et malheureusement intemporelle) : « C’est un temps où le garçon commence à entrevoir de quoi pourrait bien être, hélas, constituée l’existence : nombre de ravages et quelques ravissements. » Belle rencontre avec un personnage hors du commun, gros coup de coeur pour cet ogre philosophe.
L’année suivante sera celle de la rencontre (percutante) avec Emma et son père Gustave. Emma qui le considérera longtemps comme le petit frère qu’elle n’a jamais eu, et Gustave qui en fera son fils adoptif. C’est Emma qui le baptisera Félix et lui fera découvrir la musique.
Le garçon ne se fera pas prier pour suivre Emma et Gustave à Paris, poursuivant ainsi son apprentissage du monde des Arts (musique et littérature avec Emma) et de la science (avec Gustave). De fil en aiguille la complicité qui lie Emma et le garçon va évoluer vers d’autres sphères… à la découverte d’autres plaisirs. C’est ensemble qu’ils découvriront l’amour charnel : « Par terre un tapis bicentenaire qui couvrit jadis le sol de la chambre à coucher d’une lointaine aïeule flamande. Lourd, épais, profond comme l’humus des forêts, aux motifs de roses et de feuilles d’acanthe, aux couleurs éteintes. C’est là-dessus, par crainte des grincements du sommier, que se joue l’hymne à l’hymen. Soupirs et point d’orgue. Non, ils ne rêvent plus. C’est vrai. Anges et démons sont incarnés et leurs ombres se meuvent, rampent, s’entremêlent au ras du sol dans toute leur splendide nudité. Au matin une fleur nouvelle, éclose, étale ses pétales écarlates au milieu des vieilles roses de l’aïeule. » Un amour aussi passionné que fusionnel : « Elle dit des choses comme Prends-moi. Écarte-moi. Fends-moi. Transperce-moi. Mange-moi. Inonde-moi. Et il prend et fend et mange, et il en rajoute à sa guise sans qu’elle le lui demande. » L’occasion pour les deux amants d’explorer une autre facette de la littérature.
Puis il y a la guerre, une guerre qui va séparer les deux amants, une guerre qui va mener le garçon aux confins de l’horreur et de l’ignominie. Une guerre que le narrateur nous balance en pleine gueule dans toute sa cruauté et toute sa crudité (rien à voir avec les carottes râpées), mais aussi et surtout dans son absolue absurdité. Soyons fou, osons le dire haut et faut : la guerre dans son incommensurable connerie !
Il y a la guerre puis il y a l’après, mais quel après ? Pour le garçon ? Pour les amants ? Si vous voulez le savoir il vous faudra lire Le Garçon, pour ma part j’estime en avoir assez dit.
D’ores et déjà je peux affirmer que Le Garçon sera LE livre de l’année 2016. Certes l’année n’est pas finie et j’espère bien avoir d’autres coups de coeur d’ici au 31 décembre mais je suis convaincu qu’aucun ne sera aussi intense que celui-ci. Immense coup de coeur et coup de foudre pour ce garçon (voilà bien une phrase que je ne pensais jamais dire… et encore moins écrire).

MON VERDICT
jd5Coup double

Ce qu’en ont pensé mes blog potes (par ordre de publication) :
Gruz
Stelphique
Collectif Polar
Belette
Nathalie

PS : un petit jeu pour finir.
Ouvrez votre livre au premier chapitre de la partie 1914-1916, lisez attentivement ce chapitre et dessinez l’arbre généalogique qui relie tout ce beau monde.
Vous avez quatre heures !
PPS : m’étonnerait pas qu’il y ait quelques consanguins dans tout ce merdier.

25 réflexions au sujet de « [BOUQUINS] Marcus Malte – Le Garçon »

  1. Oh que tu me fais plaisir ! Je n’avais pas de doutes, je savais que tu le lirai de la même manière que moi et que tu allais en être autant touché.
    Comme tu le dis, ce livre est au-delà du bijou, c’est un livre unique, inoubliable. L’un des meilleurs que j’ai lu dans ma vie.
    Je suis content de partager ce même ressenti avec toi, mon pote (et tu m’as bien fais rire en plus) 😉

    1. La partie n’était pas gagnée d’avance mais l’enthousiasme unanime de blogueurs de référence (si si tu fais partie de mes références bloguesques) aura fini par m’atteindre et me convaincre. Pour mon plus grand plaisir !!!

  2. Merci pour le lien, merci de ta confiance en nos avis, merci de ton amitié….Il est vrai qu’au vu de nos coup de cœurs respectifs, tu ne pouvais pas passer à coté de cette lecture exceptionnelle!!!!Pour moi, le livre de l’année, mais également un des meilleurs livres de ma vie de lectrice….Ta chronique met ce livre en valeur, et j’espère qu’il saura en conquérir bien d’autres….

    1. L’essayer c’est l’adopter… je sens que c’est un bouquin que je vais offrir massivement à Noël.
      Hé hé je suis toujours attentifs aux billet de mes blogs potes, même si je ne prends pas toujours le temps de laisser un p’tit mot.

  3. Merci aussi de relayer notre petite voix qui encense ce garçon !! Oui, une vraie corne d’abondance, on devrait le noter sur la cover, en bandeau-titre !!!

    Pour nous l’avois fait découvrir, je pense que l’Yvan mérite bien des chocolats ! 😛

    Lorsque tu notes « n’y voyez aucun sous entendu grivois », c’est à moi que tu parles ?? (non, je ne le demande pas avec la voix de De Niro dans Taxi Driver).

    Pour l’arbre généalogique, au bout d’une heure j’avais mal au crâne et tout le monde a de toute façon baisé avec tout le monde… et nous a bien baisé aussi ! 👿

    1. Je pense que les chocolats belges sont meilleurs que les chocolats Made in NC (même si l’on a quand même quelques chocolatiers qui proposent du très bon chocolat).

      Mais voyons pourquoi irai-je associer la grivoiserie avec toi ? Loin de moi cette idée là 🙂

      1. Il reste peu de chocolats belges, hélas ! On note dessus « made in Belgium » ou « chocolat belge » et il vient de Hong-Kong ou d’ailleurs… Reste Marcolini, Neuhaus et ensuite, je ne me prononce pas !

        Côte d’or était même passé un temps dans le giron de Phillip Morris… une filiale à lui, mais chez le cigarettier tout de même ! « Fume ton chocolat, c’est du Belge ! ».

        Ouf, j’ai eu peur…. parce que je ne suis pas grivoise, attention, je suis une jeune fille pure et vierge… ah non, on me crie en régie que je suis sagittaire, au temps pour moi 😉

      2. Ici on a du chocolat belge (fait par un maître chocolatier Belge) mais fabriqué localement.
        Il fait venir la matière première de Belgique et la parfume et façonne ici… Ca me donne faim tout ça !

        Moi aussi Sagittaire… ou peut être Capricorne.
        Je suis né pile poil au changement de signe (ma mère fait dans l’astrologie).

      3. Cool, si je passe par-là, je pourrai aller à dada et manger du chocolat de chez moi ! PTDR Bien que, vu vos températures agréables, le chocolat n’est pas tentant pour moi, je n’en mange qu’en hiver, quand il fait sombre et merdique.

        Suis du 29/11, donc, Sagittaire, mais je ne fais pas dans l’astrologie, sauf si les chevaliers du zodiaque ça compte…

        Serais-tu à cheval sur le Sagittaire et le capricorne ?? Vu les animaux, c’est plus faisable que sur le gémeaux…

      4. Avec un peu de chance tu devrais même trouver de la bière belge… par contre elle ne sera pas fraîche (verbotten).

        Toujours le cul entre deux chaises… dur à gérer 🙂

      5. Pas fraiche ?? Z’ont pas inventé le frigo ?? Pourquoi verbotten ? Mot que je connais, le même en flamand qu’en allemand (et mon grand-oncle le disait bien quand il imitait les allemands).

        Vous devez boire de la cervoise chaude ?? Vous êtes punis ??

      6. Depuis plusieurs années déjà la vente de bière fraîche est interdite… soit disant pour limiter la consommation d’alcool sur la voie publique.
        Foutaises ! Ils picolent tjs autant sur les trottoirs que la bière soit fraîche ou à température ambiante ils s’en foutent nos poivrots de service…

        Par contre toi t’es emmerdé quand des potes rappliquent à l’improviste, faut aller chercher les binouzes et les foutre au congél pour accélérer les choses… ou passer direct au whisky 🙂
        A moins d’en avoir tjs en avance au frigo… mais ça c’est la meilleure façon de me pousser à consommer.

      7. Les cons ! Donc, je voudrais boire une mousse fraiche à la terrasse d’un bar, je suis dans l’impossibilité de le faire ??? Rogntudjû ! J’annule mon billet de suite ! 😆

        J’ai 2 bouteilles de bière au frigo et je les ai pas encore bues en 15 jours… Oui, je vais au coin parce que j’ai honte, là !

      8. Si, si dans les troquets et resto on a le droit à la bière fraîche. L’interdiction se « limite » à la vente à emporter.
        Allez quoi vient boire une bière au chocolat à dos de cheval !

  4. Je n’ai lu qu’un Marcus Malte mais tu me donnes envie d’en lire un autre ! je ne pense pas le faire au départ et on dirait que je vais changer d’avis… 😉

    1. Je ne pensais pas le lire au départ, mais à force de lire des commentaires enthousiastes je me suis lancé. Et quelle claque !
      Je ne peux que t’encourager à le lire.

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