[BOUQUINS] Shannon Burke – 911

Mais… Mais… Mais… Qu’est-ce qu’il fout là lui ? Il débarque en pleine Coupe du Monde et s’impose d’entrée de jeu ! De quel droit crévindiou ?
S. Burke - 911C’est pas ma faute c’est encore Sonatine qui m’a pris en traitre. J’errais tranquillement dans mon club de lecture quand soudain je le vis, j’en avais entendu parler et je l’attendais avec impatience. Je n’ai pu, ni voulu, le repousser quand il s’est jeté dans mes bras. Lui ? Mais non je n’ai pas viré ma cuti, bougre d’âne ! Je parle de 911, le roman de Shannon Burke.
Tandis qu’il prépare son concours d’entrée en médecine, Ollie Cross, se fait embaucher comme ambulancier urgentiste à la station 18, au coeur de Harlem. Il va découvrir un monde dont il était loin d’imaginer la rudesse et la noirceur…
911 (nine one one), tout le monde connaît ce numéro que ce soit par le biais de la littérature ou du cinéma. Le numéro unique des urgences aux USA. A ne pas confondre avec le tristement célèbre 9/11 (nine eleven) qui fait référence aux attentats du 11 septembre 2001.
Shannon Burke a été ambulancier à Harlem pendant cinq ans, ce bouquin, croisement de témoignage et de fiction, il le qualifie de catharsis. Une façon comme une autre de se purifier de toute la merde qu’il a vu et enduré durant ces cinq années au 911. Une purge, un exutoire, presque un exorcisme…
Quant à nous, lecteurs innocents et incrédules, on découvre avec Cross la face cachée du 911 et le moins que l’on puisse dire c’est que tout n’est pas rose. Outre les interventions parfois sordides (l’auteur va crescendo dans le glauque), les ambulanciers eux mêmes ne sont pas dépeints comme une sympathique confrérie (ils n’hésitent pas à se tirer dans les pattes, surtout dans les pattes des nouveaux). L’apparente froideur et le cynisme des plus aguerris ne sont parfois (et oui, pas toujours) que des facades (ou des blindages) pour se protéger du quotidien. Sauf que parfois la façade se fissure puis rompt…
Les personnages, essentiellement l’équipe d’ambulanciers, sont finement travaillés, chacun bénéficiant d’une personnalité qui lui est propre. Les vieux de la vieille sont figés dans leurs certitudes et attitudes ; seul Ollie Cross peut encore évoluer (reste à savoir quel exemple il suivra). Les principaux équipiers qu’il croisera sont Rutkovsky, distant mais paternaliste à sa façon avec Ollie, Lafontaine, le cynique désabusé, et Verdis, éternel optimiste un brin idéaliste. D’autres ambulanciers de l’équipe croiseront son chemin, ainsi que des policiers (le flic Pastori est de loin le plus vérolé du bouquin).
De par sa construction le bouquin peut surprendre, aucun chapitrage, juste une succession de situations et d’interventions, mais c’est loin de n’avoir ni queue ni tête. D’une part l’ordre chronologique est respecté, d’autre part cela permet de suivre l’évolution du personnage d’Ollie Cross au contact de ses équipiers et des victimes. Histoire de nous plonger en totale immersion l’auteur prend le parti de nous proposer un récit écrit à la première personne.
Bref du brut de décoffrage, livré sans chichis ni blablas, du noir et encore du noir, teinté de rouge sang, entre violence et désespoir, avec quelques lueurs d’espoir autour de l’esprit d’équipe (fragile) qui anime cette station réputée pour être la plus dure de Manhattan. On peut supposer que l’auteur a volontairement fait dans la surenchère, non dans la description des interventions qu’il expose mais en éliminant celles plus bénignes qui doivent quand même bien exister, même au coeur de Harlem.
Encore une lecture coup de poing qui vous prendra aux tripes et les vrillera jusqu’au point de rupture. C’est dur, c’est cash, parfois dérangeant, souvent troublant… Mais on en redemande. Le genre de bouquin sur lequel on voudrait écrire encore et encore mais où l’on doit réprimer ses ardeurs afin de laisser intact le plaisir de la découverte. Que vous adhériez ou non je suis convaincu que ce bouquin ne vous laissera pas indifférent. Encore une perle rare offerte par Sonatine.

21 réflexions au sujet de « [BOUQUINS] Shannon Burke – 911 »

  1. Ce qui est bien avec toi, c’est qu’on a des goûts tellement proches, que quand j’ai un doute sur un bouquin, je n’ai plus qu’à attendre ta chronique 😉
    Bon ben, doutes levés !

      1. Voilà, je voulais te dire que j’ai publié mon avis sur 911, et que je l’ai lu vite uniquement suite à ta chronique 😉
        Donc merci !

      1. Hydromel… j’en prendrai un verre, s’te plait ! 😀

        Attends, c’est pas juste, d’habitude, ce sont les femmes qui sont les tentatrices 😀

      2. C’est mon excuse « c’est pas ma faute, c’est à cause de la super chronique de : Lord Arsenik – Yvan – Pierre – Foumette – Fabe (biffez les mentions inutiles au moment où vous le dites) 😉

      3. Non seulement je le dis mais en plus je l’écris 😀
        Les mots s’envolent, les écrits restent dixit je ne sais plus qui (en mode flemmard qui a pas envie de googleliser la citation)

      4. Tu es pire qu’un politicien ! Tu le dis, tu l’écris, tu le fais, c’est merveilleux !

        Pas envie de googliser non plus 😛 c’était un type bien, sans doute… ou un gars qui vivait près de l’eau où il y avait beaucoup de vent qui emportait ses paroles 😀

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